Que penser des 99 chances sur 100 d'être encore en vie à 5 ans grâce au dépistage ?

L'INCa clame haut et fort, sur son site et dans ses dépliants, que le dépistage permet une détection précoce des cancers du sein et que cette détection précoce « permet à 99 femmes sur 100 d'être encore en vie 5 ans après le diagnostic ».
Que faut-il penser de cette affirmation : vérité scientifiquement établie ou infox ?


Ce qui est vrai

Le programme américain SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results) de surveillance des cancers indique les survies à 5 ans suivantes pour les cancers du sein :

Stade Nombre de cancers % de survivantes à 5 ans
Cancers localisés 229.402 99%
Cancers avec envahissement régional 106.747 86%
Cancers métastasés 21.571 29%
Accéder à la page de résultats du programme SEER

On y retrouve bien 99% de survivantes à 5 ans dans le cas des cancers du sein localisés.


Ce qui est faux

Pour obtenir ce résultat, le dépistage devrait détecter tous les cancers alors qu'ils ne sont encore qu'au stade localisé. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Si on en croit les chiffres publiés par l'INCa dans son document « DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : IMPACT SUR LES TRAJECTOIRES DE SOINS » DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : IMPACT SUR LES TRAJECTOIRES DE SOINS
Fiche d'analyse, collection Les données
Institut national du cancer, juin 2018
(Accéder à la page de téléchargement du document), dans une population de femmes participant au dépistage organisé :
         - 81% des cancers diagnostiqués sont des cancers localisés,
         - 15% des cancers avec envahissement ganglionnaire,
         -   3% des cancers métastatiques.
On est donc loin du tableau idyllique de 100% de cancers localisés.

Si on applique les données de survie du programme SEER à cette répartition des stades de cancer, on peut estimer que la survie à 5 ans des femmes dépistées est voisine de
0,81*100*0,99 + 0,15*100*0,86 + 0,03*100*0,29 = 94%

Les 99 chances sur 100 de survie sont donc optimistes, la réalité étant plus vraisemblablement aux environs de 94 chances sur 100.

94% de survie, c'est plutôt un bon résultat, même si ce n'est pas aussi brillant que les 99% annoncés par l'INCa. Mais ce bon résultat est-il dû au dépistage ?

Pour répondre à cette question, regardons ce qu'il en est pour des femmes ne participant pas au dépistage organisé. Le document « DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN : IMPACT SUR LES TRAJECTOIRES DE SOINS » nous donne aussi des renseignements sur les cancers diagnostiqués dans une population ne participant pas au dépistage organisé. Dans cette population :
         - 69% des cancers diagnostiqués sont des cancers localisés,
         - 22% des cancers avec envahissement ganglionnaire,
         -   9% des cancers métastatiques.

Appliquons les données de survie du programme SEER à cette répartition des stades de cancer et nous obtenons
0,69*100*0,99 + 0,22*100*0,86 + 0,09*100*0,29 = 90% de survie à 5 ans.

La survie à 5 ans est donc probablement voisine de 94% chez les femmes qui participent au dépistage organisé et voisine de 90% chez les femmes qui n'y participent pas. La différence est réelle mais, somme toute, assez modeste.


En résumé



Dernière mise à jour le 08/08/2022