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English versionLe diagnostic clinique précoce aussi efficace que le dépistage

La revue « The Lancet Oncology » vient de publier une étude qui suggère que le diagnostic clinique précoce pourrait être aussi efficace que le dépistage pour éviter les cancers avancés et réduire la mortalité par cancer du sein.

Qu'est-ce que le diagnostic clinique précoce ?

Pour commencer, il est nécessaire de définir ce qu'est le diagnostic clinique précoce d'un cancer du sein.
Le diagnostic clinique précoce consiste à reconnaître sans délai les premiers symptômes d'un cancer du sein pour en faire le diagnostic et la prise en charge sans retard.
Ces premiers symptômes peuvent être : la palpation d'une masse à l'intérieur du sein, un écoulement par le mammelon, une modification de l'aspect de la peau au niveau d'un sein, une déformation d'un sein.

Le diagnostic clinique précoce ne doit pas être confondu avec le dépistage.
Le dépistage s'adresse à des femmes qui n'ont aucun symptôme car il vise à diagnostiquer les cancers avant même qu'ils n'aient commencé à produire le moindre symptôme. Et c'est ce qui explique qu'il puisse y avoir autant de surdiagnostics avec le dépistage : plus on cherche à retrouver les tumeurs tôt, plus on prend le risque que la tumeur n'évolue pas comme prévu, vers un cancer fatal en l'absence de traitement.
Le diagnostic clinique précoce s'adresse lui à des femmes qui ont des symptômes pouvant faire suspecter un cancer du sein. Il est donc moins ambitieux que le dépistage en terme de précocité du diagnostic mais ne comporte pas de risque de surdiagnostic puisque la tumeur a déjà commencé à donner des symptômes.

Bref résumé et principaux résultats de l'étude

Les objectifs de cette vaste étude étaient doubles :
- confronter la mortalité par cancer du sein et un vaste panel d'indicateurs de santé publique, afin de déterminer lesquels de ces indicateurs sont déterminants pour la mortalité par cancer du sein,
- rechercher une corrélation entre mortalité par cancer du sein et proportion de cancers peu avancés (stade I ou II).
Tous les pays pour lesquels les données étaient disponibles ont été inclus (141 pays pour l'analyse mortalité / indicateurs de santé publique et 35 pays pour l'étude mortalité / proportion de stades peu évolués).

Parmi les résultats de l'étude nous retiendrons que :

Encore une étude qui ne retrouve pas de baisse de la mortalité avec le dépistage

Cette étude vient s'ajouter à la longue liste des études observationnelles qui ne retrouvent pas de baisse de mortalité avec le dépistage.
Certes les études observationnelles ne sont pas aussi fiables que les essais comparatifs randomisés et il faut prendre leurs conclusions avec prudence. Mais, tout de même, si, comme on nous l'affirme, le dépistage permet une baisse de 20% de la mortalité par cancer du sein, comment expliquer qu'il soit si difficile de retrouver une corrélation entre dépistage et mortalité par cancer du sein ?

Dépistage ou diagnostic clinique précoce ?

Les auteurs insistent sur l'importance d'une détection précoce des cancers du sein mais ils précisent bien que la détection précoce ne se résume pas au dépistage.
Le dépistage n'est qu'une des 2 méthodes de détection précoce. Une autre méthode permet également une détection précoce des cancers du sein : le diagnostic clinique précoce.

L'OMS, dans son « Guide to cancer early diagnosis », valide cette alternative au dépistage et la recommande pour les pays qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre un dépistage de masse.
Les résultats de l'étude publiée dans « The Lancet Oncology », confirment la recommandation de l'OMS, en suggérant que le diagnostic clinique précoce pourrait être aussi efficace que le dépistage pour éviter les cancers avancés et réduire la mortalité par cancer du sein.

Dès lors pourquoi ne pas remplacer le dépistage par le diagnostic clinique précoce ?
Bien sûr, on pourrait objecter que la recommandation de l'OMS concerne les pays qui n'ont pas les moyens de mettre en place le dépistage, ce qui n'est pas le cas de la France. Dans les pays qui ont les moyens du dépistage, il pourrait sembler déraisonnable de remplacer le dépistage par un diagnostic clinique précoce qui est au mieux aussi efficace mais certainement pas plus efficace que le dépistage.
Cette objection ne vaut que si on ne prend en compte que l'efficacité. Si on raisonne dans une perspective de balance bénéfices/risques, prenant en compte l'efficacité mais aussi les risques, le choix du diagnostic clinique précoce devient raisonnable : par rapport au dépistage, le diagnostic clinique précoce est peut-être un peu moins efficace pour éviter les formes avancées et réduire la mortalité par cancer du sein mais il ne génère aucun surdiagnostic et il réduit considérablement les surtraitements.

En attendant, les femmes doivent savoir que ne pas participer au dépistage ne les condamne pas à mourir d'un cancer du sein. En pratiquant l'autopalpation et en s'inquiétant sans délai de toute anomalie au niveau de leurs seins (tuméfaction, écoulement par le mammelon, modification cutanée, ...), le diagnostic d'un éventuel cancer peut rester suffisamment précoce pour que le pronostic reste presque aussi bon que si elles s'étaient fait dépister. Et ce pronostic conservé sera obtenu sans surdiagnostics et avec beaucoup moins de risques de surtraitements.

Références de l'étude :
Duggan C., Trapani D., Ilbawi A., Fidarova E., Laversanne M., Curigliano G. et al.
National health system characteristics, breast cancer stage at diagnosis, and breast cancer mortality: a population-based analysis
DOI:https://doi.org/10.1016/S1470-2045(21)00462-9
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Dernière mise à jour le 05/11/2021