English versionQuand l'INCa perd son sang-froid

Prêt à tout pour assurer la promotion du dépistage, l'INCa vient de franchir une ligne rouge en qualifiant d'infox l'expression de doutes sur le rapport bénéfices/risques du dépistage du cancer du sein.

Dans la controverse concernant la balance bénéfices/risques du dépistage du cancer du sein, l'INCa a depuis toujours adopté une position ouvertement pro-dépistage. C'est son droit ; dans une controverse scientifique, chacun est libre de trouver les arguments d'un camp plus convaincants que ceux de l'autre camp.
Ce qui est beaucoup plus contestable, c'est que l'INCa confond information et promotion et diffuse une information partisane, faisant la part belle à l'efficacité du dépistage et minimisant le surdiagnostic et ses conséquences. D'un organisme officiel, on pourrait espérer une information loyale, sans parti pris, permettant aux femmes de prendre leur décision en toute connaissance de cause.

Continuant sur sa lancée, l'INCa vient maintenant de franchir une étape supplémentaire en qualifiant d'infox l'expression de doutes sur le rapport bénéfices/risques du dépistage du cancer du sein (Accéder au site de l'INCa).

On peut y lire « Ce débat scientifique peut avoir une répercussion négative sur les femmes et les détourner de l'examen de dépistage. »
Allons bon ! Depuis quand débattre scientifiquement c'est faire de l'infox ?
Et quel mépris pour les femmes, à qui on devrait cacher la réalité pour mieux les conduire, comme des moutons bien dociles, vers le dépistage !
Et quel manque de respect du code de déontologie qui impose une information loyale (article 35 du Code de déontologie) !

On peut lire un peu plus loin : « Comme le montre une analyse des études scientifiques1, les bénéfices du dépistage par mammographie sont largement plus importants que les risques ». Problème, la référence 1 n'est rien d'autre qu'un rapport de ... l'INCa ! (1 Institut national du cancer, « Bénéfices et limites du programme de dépistage organisé du cancer du sein », 2013).
Il est évident que si l'INCa ne retient que les études favorables au dépistage et écartent les autres (normal puisque ce sont des infox 😊), la conclusion du rapport ne peut qu'être favorable au dépistage. Il y aurait comme un petit goût de tautologie, ou au moins de "juge et parti" ...

Quand à contester le terme de "faux cancers" pour désigner les surdiagnostics, c'est vrai que l'expression "faux cancers" n'est pas très heureuse. Mais elle n'est pas complètement fausse : les tumeurs correspondant aux surdiagnostics sont histologiquement des cancers, c'est vrai, mais leur évolution, sans retentissement clinique, les distinguent quand même des autres cancers. Et cela reste vrai même si, en l'état actuel des connaissances on est incapable de distinguer quelle tumeur maligne évoluera et donnera des signes cliniques et quelle tumeur maligne n'évoluera pas. En tout état de cause, l'expression "faux cancers" ne suffit certainement pas à qualifier d'infox des propos qui laisseraient entendre, sur base d'autres études que celles citées par l'INCa, que le rapport bénéfices/risques du dépistage du cancer du sein n'est peut-être pas aussi favorable que l'INCa l'affirme (cf le site Cancer Rose pour une autre analyse du rapport bénéfices/risques du dépistage).

Oui, l'INCa a perdu son sang-froid.
La controverse scientifique sur le dépistage du cancer du sein est ouverte, en France comme à l'étranger. Il y a des arguments d'un côté comme de l'autre. Et l'INCa a le droit d'être convaincu de l'intérêt du dépistage et d'expliquer sur quels arguments se fonde sa conviction.
Mais, refuser le débat et rabaisser toute forme de contradiction au rang d'infox, est indigne de scientifiques et scandaleux de la part d'une institution qui a en charge l'information sur le cancer.
La prochaine étape sera-t-elle la censure et la mise en prison de tous ceux qui auront osé publier ou commenter les résultats d'études défavorables au dépistage ?



Dernière mise à jour le 12/09/2021